Le Département de la Gironde, membre fondateur du réseau 3AR, est engagé dans une politique d’achats publics responsables depuis de nombreuses années. Gérant 6500 km d’infrastructures, le Département intègre le développement durable dans l’intégralité de sa politique routière.
A l’occasion d’un chantier expérimental de voirie durable, l’équipe d’animation de 3AR a rencontré Alain Renard, Vice-président chargé de la Préservation de l’environnement, gestion des risques et des ressources, infrastructures routières et Nicolas Pezas, Directeur des Infrastructures au Département de la Gironde.
Interview de Alain Renard et Nicolas Pezas
Chantiers de voirie : des enjeux de poids
« Les enjeux en matière de développement durable sont extrêmement forts pour les chantiers routiers, rappelle dans un premier temps Alain Renard : émissions de gaz à effet de serre, consommations en énergie, en eau et en ressources naturelles, déchets, perturbation de la biodiversité et des milieux naturels, pénibilité au travail, trafic et perturbations liés aux chantiers, coûts directs et indirects …
Depuis plusieurs années, ces enjeux sont pris en compte dans la politique routière du Département de la Gironde, de manière volontariste depuis 2007 dans le cadre de l’Agenda 21, et du Plan Climat [document consultable sur la partie réservée du site 3AR]
La Convention d’Engagement Volontaire signée en 2010 avec la profession routière apporte également des engagements concrets en matière de développement durable. La version actualisée sera signée prochainement et intégrera notamment les objectifs réglementaires prévus par la loi TECV[1]. Sur le terrain, ces engagements se traduisent par exemple par des process d’enrobés tièdes voire froids, et de retraitement sur site.
[document consultable sur la partie réservée du site 3AR]
Achats de voirie : être en cohérence avec les compétences de la collectivité en matière de solidarité
« Les missions du Département en matière de solidarité s’appliquent évidemment pour nos achats de voirie », explique Alain Renard.
« Solidarité humaine dans un premier temps : homogénéité du niveau de service, prise en compte de la pénibilité au travail, de la gêne occasionnée par les chantiers (durée des travaux, déviations …), et bien sûr intégration de clauses sociales d’insertion professionnelle dans nos marchés de travaux.
« Solidarité territoriale également, en lien avec les collectivités du territoire. Notre objectif est bien de ne pas faire du « développement durable élitiste », précise Alain Renard. Par exemple, les techniques d’enrobés tièdes ou froid sont accessibles, sans surcoût, pour les collectivités du territoire en charge de voirie (syndicats, communes et intercommunalités). »
Mobiliser les textes de la commande publique pour expérimenter
Nicolas Pezas nous explique le contexte du chantier expérimental réalisé à Rauzan :
« Dans le cadre du CIRR[2], le Département de la Gironde s’est porté candidat en 2017 pour une expérimentation de retraitement sur place des enrobés à base d’un liant biosourcé, coproduit sylvicole provenant de l’industrie papetière (voir article et vidéo sur le site gironde.fr). C’est une véritable approche en « circuit court et de proximité » appliqué aux chantiers routiers. Côté marché public, nous nous sommes appuyés sur l’article 97 du Décret du 25 mars 2016 : « Marchés publics réalisés dans le cadre de programmes expérimentaux ». [documents de marché consultables sur la partie réservée du site 3AR]
« Le chantier s’est déroulé en juillet 2018. L’expérimentation se tiendra sur 3 ans et permettra de vérifier la pertinence technique et qualitative, dans la durée, de cette innovation.
« Aux côtés d’autres collectivités françaises, nous contribuons ainsi à tester des techniques innovantes ; les retours d’expériences sont partagés et nous permettent d’évoluer ensemble.
« Côté innovation, nous avons également de beaux retours d’expériences de collectivités girondines que nous avons pu accompagner sur le suivi technique ainsi que la maîtrise d’ouvrage, précise Nicolas Pezas. Ainsi, la commune de La Teste expérimente depuis 2015 un revêtement clair en zone urbaine, qui économise 60% d’énergie pour l’éclairage urbain, la « Lumiroute ».
« Nous sommes également partie prenante, depuis 2016, du programme MURE (MultiRecyclage), aux côtés d’autres collectivités.
Nous avons identifié d’autres projets innovants, que nous espérons expérimenter prochainement ! ».
Rester vigilant sur l’accès des TPE-PME girondines à la Commande publique
D’après Alain Renard, « le recours à ces dispositifs en faveur de l’innovation nous permet d’éviter une prise de risque ; si le bilan est bon, l’objectif est bien de faire évoluer et vulgariser ces nouvelles pratiques. Par la commande publique, nous activons la concurrence ; on encourage ainsi la progression du marché, afin de laisser une place aux TPE-PME. »
Nicolas Pezas ajoute : « Les entreprises girondines sont aujourd’hui en capacité de répondre à nos exigences environnementales. Ces expérimentations nous permettent de remonter progressivement le curseur ».
Mobiliser les textes de la commande publique pour stimuler l’innovation environnementale
Au sein du Département, l’innovation environnementale est encouragée au-delà de ce type d’expérimentation nationale. Ainsi, le recours aux variantes est très fréquemment utilisé (article 58 du Décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics).
Nicolas Pezas détaille : « Depuis 2012, nous nous appuyons sur les variantes environnementales pour encourager les entreprises à innover. Ainsi, pour les marchés supérieurs à 500.000 € l’ouverture aux variantes est systématique. L’analyse des offres des entreprises est réalisée grâce au logiciel écocomparateur SEVE, qui nous permet de comparer qualitativement et de manière objectivable les variantes proposées par rapport à la solution de base, en matière de produits, mais également de mise en œuvre.
« De plus, nous intégrons un critère environnemental pondéré pour l’attribution de nos marchés (article 62 du Décret de mars 2016). En moyenne, les critères de choix et la pondération sont : le prix pour 70 % (parfois 60), la valeur technique pour 10 % et la valeur environnementale pour 20 % (parfois 30).
Enfin, nos règlements de consultation précisent l’utilisation de SEVE par le maître d’ouvrage, et SEVE ou équivalent par le candidat.
Des gains environnementaux et économiques
« Nous avons mis en place des indicateurs chiffrés ; ainsi avec l’utilisation des variantes environnementales, on affiche une économie de 15,6% d’émissions de GES, et de 6,6% sur le coût par rapport aux technique habituelles », nous indique Nicolas Pezas.
« Le bilan de ces actions est positif à tous les niveaux. En complément des éléments chiffrés et objectivables présentés par Nicolas Pezas, nous constatons ce que nous appelons un « gain sociétal », que nous ne savons pas encore évaluer », conclut Alain Renard.
Alain Renard et Nicolas Pezas ont répondu favorablement à la sollicitation du comité de technique de 3AR pour participer au dispositif d’AMI voirie en cours de construction.
Ils témoigneront notamment sur la politique d’achats responsables de voirie du Département, ainsi que sur ce chantier expérimental, à l’occasion des événements qui seront organisés dans le cadre du dispositif AMI voirie durable piloté par le réseau 3AR.
[1] La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte impose depuis 2017 des objectifs en matière de valorisation des déchets produits par les chantiers, et d’utilisation de matériaux issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage (article 79.III)
[2] Le Comité d’innovation routes et rues (CIRR) est l’instance de décision de l’appel à projets français « Routes et Rues » – mis en place en 2007 par la Direction des Infrastructures de Transport (DIT) du Ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) pour encourager l’innovation routière. En savoir + >>