La structuration de la politique « achats responsables » au Département des Landes – 3AR

La structuration de la politique « achats responsables » au Département des Landes

Département des Landes : « la commande publique doit être appréhendée comme un levier de l’action départementale ».

Interview de Philippe Courtesseyre, Directeur adjoint Jeunesse et sport, Conseil départemental des Landes

 

Pouvez-vous nous présenter l’origine et l’organisation des démarches d’achats responsables dans votre structure ?

 » Aujourd’hui, le principal cadre politique en matière d’achat responsable est le plan de développement de l’Economie Sociale et Solidaire 2018-2021. Celle-ci intègre en effet l’élaboration d’un Schéma de Promotion des Achats Socialement et Ecologiquement Responsables (SPASER), bien que le Département soit en dessous du seuil des 100M €. 

Au-delà de cet engagement général,  les démarches d’achats responsables sont principalement détaillées dans leur dimension sociale au sein du Pacte Territorial d’Insertion. Il y est présenté tout l’engagement du Département sur le déploiement des clauses sociales au sein de la commande publique départementale. Dans le cadre des financements européens, des postes de facilitateurs de clauses sociales sont également intégrés et positionnés auprès du Département et par convention auprès des différents donneurs d’ordre publics / privés du territoire. Chaque marché est systématiquement interrogé sous cet angle par la Direction en charge de la commande, la Direction de la Commande Publique et la facilitatrice au sein de la Direction de la Solidarité. Un bilan annuel est présenté à l’Assemblée départementale.

En ce qui concerne la dimension environnementale, elle est moins explicitement rattachée à la commande publique. Mais les engagements de la collectivité dans le cadre du PCET, du bilan carbone et du rapport développement durable qui mobilise l’ensemble des directions contribuent à orienter les achats du Département dans une logique soucieuse de l’environnement. »

 

Quelle est l’origine de la volonté du Département des Landes d’adhérer à l’Association 3AR ?

« Le lien avec 3AR s’est fait dans le cadre de l’engagement du Département à élaborer et mettre en œuvre un SPASER. Nous avions besoin d’un tiers expert, d’une assistance à maîtrise d’ouvrage sur les différentes étapes de notre démarche. Nous avions besoin de méthodes, de retours d’expérience sur ce sujet. L’adhésion au réseau nous a permis d’y avoir très rapidement accès et de  participer à des séquences de formation. Nous avons ainsi pu développer un début de culture commune. »

Pouvez-vous nous présenter les moyens humains et organisationnels impliqués dans la mise en oeuvre du SPASER ?

« La fonction « Achats » est répartie au sein de chaque direction opérationnelle qui construit ses marchés avec l’appui, la supervision d’une nouvelle Direction de la Commande Publique et, donc, d’une facilitatrice pour les clauses sociales.

Dans la perspective du SPASER, j’assure une mission d’animation collective de l’ensemble de ces acteurs et j’assure le lien avec les partenaires extérieurs, dont 3AR mais aussi l’ADACL qui dispose d’une importante expertise en matière d’achat public responsable. »

Les achats socialement responsables du Département sont déjà bien structurés : pouvez-vous nous présenter un bilan de cette démarche ?

« Afin de développer et rendre opérationnelle l’inclusion de clauses sociales dans les marchés du Département, fin 2012, un facilitateur des clauses sociales a rejoint les services du conseil départemental et depuis 2015 ce dispositif bénéficie de financements européens via le Fonds Social Européen. Dans le cadre de la nouvelle programmation FSE 2019-2021, un second poste de facilitateur de clauses sociales. Son rôle est d’accompagner, sous forme de convention, les donneurs d’ordres publics ou privés sur la mise en place et le suivi de leurs marchés clausés. A ce jour, 3 conventions de partenariat ont été signés avec le bailleur social XL Habitat, l’agglomération du Grand Dax et la Ville de Dax. D’autres conventions de partenariat sont en cours de signature. Les facilitateurs sont les garants du bon fonctionnement des clauses et assurent l’animation/le pilotage du dispositif.

Les principaux marchés concernés restent des marchés de travaux répartis sur les secteurs du bâtiment et des travaux publics et des marchés de services, nettoyage et entretien: à titre d’exemple pour l’année 2018, 24 marchés du conseil départemental ont été concernés par la clause sociale d’insertion représentant un volume d’heures d’insertion réalisées sur l’année 2018 de plus de 17 440 Heures.

En 6 ans, l’inclusion de ces clauses a permis de générer plus de 85 000 heures de travail pour un public en insertion ; ce sont plus de 130 entreprises concernées dont 85% d’entreprises landaises et plus de 460 personnes en difficulté d’insertion sociale et professionnelle ont bénéficié d’un contrat de travail grâce à ce dispositif.

L’objectif reste de poursuivre le développement des clauses sur les marchés par l’utilisation de toutes les procédures du code de la commande publique et en diversifiant les secteurs d’activité pour une meilleure prise en compte de tous les publics en insertion. Plus la clause sociale d’insertion sera développée, plus l’emploi en sera bénéficiaire ; les publics retrouveront une intégration professionnelle, les entreprises, des compétences nouvelles et les territoires, du dynamisme. »

 

Pourquoi le Département des Landes s’est-il engagé dans la mise en place d’un SPASER ?

« Le point de départ du SPASER landais se trouve dans la feuille de route « Economie Sociale et Solidaire » (ESS) où il est positionné dans une logique de soutien aux entreprises de ce secteur. Ce sont donc les deux élues en charge de l’ESS qui pilotent la démarche et la conduite globale est assurée par la mission « ESS ». Un partenariat avec la Chaire OPTIMA (pilotage et évaluation des politiques publiques) nous permet de mobiliser un Master 2 sur la conduite technique de la démarche, la collecte de données, du benchmark.

Au-delà de la volonté « politique » et volontariste, le SPASER revêt un enjeu fonctionnel pour sortir des logiques isolées, des seules « bonnes volontés » et mettre en cohérence les démarches d’achat responsable. 

Aussi, la 1ère étape a consisté à mettre en commun ces pratiques. Nous avons bénéficié d’un contexte opportun avec la mise en place d’une Direction de la commande publique. Nous avons ensuite, avec l’appui de 3AR, engagé un diagnostic sur les différentes familles d’achat à travers la grille d’autodiagnostic proposée par l’ADEME. Cette séquence a permis d’identifier les freins et difficultés rencontrés dans le processus achat pour y intégrer des cadres « responsables ». Parallèlement,  des hypothèses sur l’approche stratégique du SPASER ont commencé à se dessiner, avec un axiome fort : la commande publique doit être appréhendée comme un levier de l’action départementale.

Dès lors, nous nous sommes attachés à faire le lien entre notre démarche et les principaux documents et schémas stratégiques du Département (PTI, rapport Développement durable, PCET et feuille de route ESS). Ce travail a été conduit dans le cadre d’un comité technique sous l’égide de la Direction de la Commande Publique et de la mission « ESS », auquel participent les deux élues référentes. Aujourd’hui, nous avons verrouillé les valeurs, les objectifs pour construire une colonne vertébrale autour de 3 axes : une dimension sociale, une dimension environnementale et une orientation spécifique en direction de l’ESS.

Pour finaliser cette 1ère séquence au cours de laquelle nous nous sommes concentrés sur les fondements de notre action, le Département a prévu de signer la Charte Nationale de l’Achat public durable, comme un jalon pour nous amener jusqu’à l’adoption du SPASER, prévue en juin 2020. 

Pour atteindre cet objectif, il s’agit désormais de construire les dispositifs de travail qui permettront la mise en œuvre effective et quotidienne du SPASER ; avec comme gageure de mettre en place une démarche la plus intégrée possible. Il s’agit évidemment du stade le plus délicat car c’est celui qui doit impacter le travail des agents. Mais d’ores et déjà, la démarche est positive en ce qu’elle a permis de réfléchir ensemble aux espaces de contraintes et de stimulation de l’achat responsable. Les membres du comité technique ont pu monter en compétence sur des thématiques variées qui ne sont pas celles de leur quotidien. 

Aujourd’hui, l’un des enjeux est donc de conserver une dynamique positive. Nous devons pour cela identifier les outils qui permettront de lever les freins rencontrés jusqu’à présent par les agents : crainte de marchés infructueux, de recours… Il nous faut également construire une grande partie des outils de pilotage qui seront attachés au SPASER (indicateurs, modalités d’évaluation et de bilan…).

Les approches par famille d’achat proposées par le réseau 3AR, le travail sur les clausiers nous seront très utiles. En 18 mois, à l’appui des formations et des participations aux journées, nous avons, me semble-t-il, bien progressé. »

 

Quelle analyse et quelles perspectives pouvez-vous déduire aujourd’hui des résultats des expériences d’achats responsables ?

« A ce stade de notre démarche, il est délicat de prendre du recul. Les craintes semblent encore l’emporter sur les convictions et les expériences infructueuses ont tendance à plus marquer que les réussites.

Parmi les facteurs de réussite, c’est un lieu commun tenace, le « temps » apparaît comme une ressource centrale. Aussi, pour une intégration réussie du développement durable dans la commande publique, il est nécessaire d’envisager différemment cette dernière, dans une logique plus globale, comme une politique en tant que telle et non comme l’accumulation d’actes d’achat isolés.

Dans cette perspective, la Direction de la Commande Publique s’attache à positionner des jalons lui permettant d’avoir une « supervision » qui ne serait pas limitée à la surveillance du bon fonctionnement mais assurerait suivi et pilotage stratégique. Dans le même sens, l’une des hypothèses évoquées est d’organiser régulièrement des rencontres afin de présenter aux fédérations professionnelles et opérateurs économiques les grands contours des marchés publics à venir. Une « Matinale » avec 3AR est ainsi prévue le 26 novembre à Dax. Cela renvoie au « P » du SPASER, à la logique de promotion et d’exemplarité que souhaite assumer le Département des Landes en direction des autres acheteurs publics.

 Au-delà de ces enjeux d’ordre général et fonctionnel, la collectivité souhaite s’appuyer sur son futur SPASER pour orienter sa commande publique vers les entreprises de l’ESS. »

 

Pour aller plus loin : >> Etat des lieux et perspectives du SPASER (article réservé aux adhérents de 3AR disponible sur l’espace réservé 3AR)

 

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